Ce week-end, je suis allée "au verre". Ça veut dire que je prends mon courage à deux mains et ma voiture pour aller déposer les preuves vivantes de mon alcoolisme dans le conteneur adéquat gentiment mis à disposition pour les autorités compétentes.
Chaque jour, on entrepose bien comme il faut tous les trucs en verre (bouteilles d'asperges et bocaux de pinard) (ou l'inverse) dans un gros bac bleu en plastique. Au départ, tous ces contenants sont bien alignés de façon rectilignes, parallèles, droites enfin... de façon plutôt ordonnée quoi. Puis arrive le moment où c'est plein et là, le bordel commence. On pose des trucs en biais, la tête en bas, à l'horizontale jusqu'à ce que ça forme un monticule énorme et instable. Comme si la pyramide de Khéops était sponsorisée par Puget ou Martini. Voire même y'a deux ou trois trucs qui sont posés directement à même le sol à côté ou dans un p'tit carton qui traînait dans le coin. Bref, il est temps d'y aller. Bien entendu, la caisse est impossible à soulever. D'abord elle est super lourde et ensuite, l'instabilité de l’échafaudage se révèle plutôt dangereuse. Il faut trouver un autre contenant, visiblement ça va pas le faire. Le plus simple reste de prendre un sac à courses. Ou deux (ouais, ça faisait longtemps que je n'y étais pas allée...).
Il fait chaud et l'odeur qui se dégage est indéfinissable et un peu écœurante : huile d'olive, jus de rollmops, vin, bière, vodka, jus d'orange, vinaigre, compote de pommes... Mes narines se froncent, agressées par ce remugle étrange.
Je charge dans la Grosse Bleue qui ne rechigne à aucune tâche désagréable et je file au conteneur à deux pas de la maison. Parce que oui, même dans mon trou de campagne on a un conteneur à verres à proximité. En arrivant sur place, j'espère ne croiser personne, me sentant toujours un peu coupable d'exposer à la vue du public la quantité phénoménale de boutanches que nous sommes capables de consommer. Parce que la personne qui se trouverait là peut aussi imaginer que c'est la récolte d'une semaine... et pas de trois ou cinq. Semaines, pas jours, déconne pas.
Le coffre ouvert, je décharge la caisse et je commence à jeter les bouteilles par l'ouverture ronde et collante. Un bocal de cornichons, une bouteille d'Heineken, une bouteille de Gewurztraminer vendanges tardives (elle était bonne celle-là), un pot de miel, une bouteille de Champagne. J'adore balancer la bouteille de Champagne parce que comme elle est lourde et épaisse, elle fracasse tout quand elle arrive au fond.
Je prends un plaisir incroyable à écouter le bruit du verre qui se brise, si différent en fonction du sujet : tantôt cristallin, tantôt plus sourd, tantôt assorti d'autres morceaux qui éclatent en même temps. L'odeur de mon bac bleu est multipliée par 10 dans le gros conteneur, une odeur acide, aigrelette amplifiée par la chaleur ambiante. J'ai hâte que ça se termine et en même temps, je prends mon temps, profitant du moment... Une guêpe sort de l'ouverture en volant pas très droit, saoulée par les effluves d'alcool. Je me pousse rapidement, pas envie qu'elle s'attaque à moi dans un délire éthylique.
Il est temps de partir. Il ne reste dans mon bac bleu que quelques capsules oubliées et un bouchon vert au pas-de-vis hésitant (il n'a jamais rebouché correctement la bouteille d'huile). A regret, je ferme le coffre de la Grosse Bleue et je rentre en conduisant seulement avec les pouces, mes doigts poisseux de choses diverses et indéfinissables évitant d'agripper le volant de trop près.
C'était ce week-end au conteneur à verres. Et je crois bien que j'aime ça...
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Malgré les apparences ce billet n'est sponsorisé ni par TRI 17 ni par le Ministère du Développement Durable.